Application du pacte International Relatif Aux Droits Economiques, Sociaux Et Culturels, Observation générale No 13, Le droit à l'éducation (Art.13), 08/12/99. E/C.12/1999/10.


Le droit à l'éducation (art. 13 du Pacte) *



Le droit à l'éducation (art. 13 du Pacte)

1. L'éducation est à la fois un droit fondamental en soi et une des clefs de l'exercice des autres droits inhérents à la personne humaine. En tant que droit qui concourt à l'autonomisation de l'individu, l'éducation est le principal outil qui permette à des adultes et à des enfants économiquement et socialement marginalisés de sortir de la pauvreté et de se procurer le moyen de participer pleinement à la vie de leur communauté. L'éducation joue un rôle majeur, qu'il s'agisse de rendre les femmes autonomes, de protéger les enfants contre l'exploitation de leur travail, l'exercice d'un travail dangereux ou l'exploitation sexuelle, de promouvoir les droits de l'homme et la démocratie, de préserver l'environnement ou encore de maîtriser l'accroissement de la population. L'éducation est de plus en plus considérée comme un des meilleurs investissements financiers que les États puissent réaliser. Cependant, son importance ne tient pas uniquement aux conséquences qu'elle a sur le plan pratique. Une tête bien faite, un esprit éclairé et actif capable de vagabonder librement est une des joies et des récompenses de l'existence.


2. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels consacre deux articles au droit à l'éducation, les articles 13 et 14. L'article 13, qui est la disposition la plus longue du Pacte, est en la matière la norme du droit international relatif aux droits de l'homme la plus large par sa portée et la plus détaillée. Le Comité a déjà adopté l'observation générale 11 relative à l'article 14 (plans d'action pour l'enseignement primaire). L'observation générale 11 et la présente observation générale se complètent et doivent être considérées conjointement. Le Comité n'est pas sans savoir que pour des millions de personnes à travers le monde, l'exercice du droit à l'éducation demeure un objectif lointain qui, de surcroît, dans de nombreux cas, s'éloigne de plus en plus. Le Comité est par ailleurs conscient des immenses obstacles structurels et autres qui empêchent l'application intégrale de l'article 13 dans de nombreux États parties.


3. En vue d'aider les États parties à appliquer le Pacte et à s'acquitter de l'obligation qu'ils ont de présenter des rapports, la présente observation générale porte essentiellement sur le contenu normatif de l'article 13 (section I, par. 4 à 42), quelques-unes des obligations qui en découlent (section II, par. 43 à 57) et certaines violations caractéristiques (section II, par. 58 et 59). Dans la section III, il est brièvement fait état des obligations qui incombent à des acteurs autres que les États parties. Cette observation générale est fondée sur l'expérience que le Comité a acquise au fil des ans en examinant les rapports des États parties.


I. LE CONTENU NORMATIF DE L'ARTICLE 13

Article 13, paragraphe 1 : Buts et objectifs de l'éducation

4. Les États parties conviennent que l'enseignement, public ou privé, formel ou non, doit tendre à la réalisation des buts et objectifs énoncés au paragraphe 1 de l'article 13. Le Comité note que ces objectifs reflètent les buts et principes fondamentaux de l'Organisation des Nations Unies, tels qu'ils sont consacrés aux Articles 1 et 2 de la Charte des Nations Unies. Ces objectifs se retrouvent aussi pour l'essentiel au paragraphe 2 de l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, encore que le paragraphe 1 de l'article 13 aille plus loin que la Déclaration sur trois points : l'éducation doit viser à l'épanouissement du "sens de la dignité" de la personnalité humaine; elle doit "mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre"; elle doit favoriser la compréhension entre tous les groupes "ethniques" ainsi qu'entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux. Parmi les objectifs qui sont communs à la Déclaration universelle des droits de l'homme (par. 2 de l'article 26) et au Pacte (par. 1 de l'article 13), le plus fondamental peut-être est que l'éducation "doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine".


5. Le Comité note que depuis l'adoption du Pacte par l'Assemblée générale en 1966, d'autres instruments internationaux ont développé les objectifs vers lesquels l'éducation doit tendre. Le Comité estime donc que les États parties sont tenus de veiller à ce que l'enseignement, sous toutes ses formes et à tous les niveaux, réponde aux buts et aux objectifs énoncés au paragraphe 1 de l'article 13, interprété à la lumière de la Déclaration mondiale sur l'éducation pour tous (Jomtien, Thaïlande, 1990) (art. 1), de la Convention relative aux droits de l'enfant (art. 29, par. 1), de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne (première partie, par. 33, et deuxième partie, par. 80), ainsi que du Plan d'action en vue de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme (par. 2). Si tous ces textes vont dans le même sens que le paragraphe 1 de l'article 13 du Pacte, ils renferment également certains éléments qui n'y figurent pas expressément, par exemple la mention de l'égalité entre les sexes et du respect de l'environnement. Ces nouveaux éléments, implicitement contenus au paragraphe 1 de l'article 13, correspondent à une interprétation contemporaine de ce paragraphe. Le Comité est conforté dans cette opinion par le fait que les textes susmentionnés ont reçu un large appui dans toutes les régions du monde
(1) .

Article 13, paragraphe 2 : Droit de recevoir une éducation - observations générales


6. S'il est vrai que l'application précise de ces critères dépendra des conditions qui règnent dans chacun des États parties, il n'en demeure pas moins que l'enseignement, sous toutes ses formes et à tous les niveaux, doit répondre aux caractéristiques interdépendantes et essentielles ci-après (
2) :

a) Dotations - les établissements d'enseignement et les programmes éducatifs doivent exister en nombre suffisant à l'intérieur de la juridiction de l'État partie. Leur fonctionnement est tributaire de nombreux facteurs, dont l'environnement dans lequel ils opèrent : par exemple, dans tous les cas, il faudra probablement prévoir des bâtiments ou autres structures offrant un abri contre les éléments naturels, des toilettes tant pour les filles que les garçons, un approvisionnement en eau potable, des enseignants ayant reçu une formation et percevant des salaires compétitifs sur le plan intérieur, des matériels pédagogiques, etc.; dans d'autres cas, il faudra prévoir également certains équipements, par exemple une bibliothèque, des ordinateurs et du matériel informatique.


b)
Accessibilité - les établissements d'enseignement et les programmes éducatifs doivent être accessibles à tout un chacun, sans discrimination, à l'intérieur de la juridiction de l'État partie. L'accessibilité revêt trois dimensions qui se chevauchent :


i) Non-discrimination : l'éducation doit être accessible à tous en droit et en fait, notamment aux groupes les plus vulnérables, sans discrimination fondée sur une quelconque des considérations sur lesquelles il est interdit de la fonder (voir les paragraphes 31 à 37 sur la non-discrimination);


ii) Accessibilité physique : l'enseignement doit être dispensé en un lieu raisonnablement accessible (par exemple dans une école de quartier) ou à travers les technologies modernes (par exemple l'enseignement à distance);


iii) Accessibilité du point de vue économique : l'éducation doit être économiquement à la portée de tous. Il y a lieu de noter à ce sujet que le paragraphe 2 de l'article 13 est libellé différemment selon le niveau d'enseignement considéré : l'enseignement primaire doit être "accessible gratuitement à tous", tandis que les États parties sont tenus d'instaurer progressivement la gratuité de l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur;


c)
Acceptabilité - la forme et le contenu de l'enseignement, y compris les programmes scolaires et les méthodes pédagogiques, doivent être acceptables (par exemple, pertinents, culturellement appropriés et de bonne qualité) pour les étudiants et, selon que de besoin, les parents - sous réserve des objectifs auxquels doit viser l'éducation, tels qu'ils sont énumérés au paragraphe 1 de l'article 13, et des normes minimales en matière d'éducation qui peuvent être approuvées par l'État (voir les paragraphes 3 et 4 de l'article 13);


d)
Adaptabilité - L'enseignement doit être souple de manière à pouvoir être adapté aux besoins de sociétés et de communautés en mutation, tout comme aux besoins des étudiants dans leur propre cadre social et culturel.


7. Dans l'application de ces critères "interdépendants et essentiels", c'est l'intérêt supérieur de l'apprenant qui doit l'emporter.


Article 13, paragraphe 2 a) : Droit à l'enseignement primaire


8. L'enseignement primaire doit satisfaire aux critères des dotations, de l'accessibilité, de l'acceptabilité et l'adaptabilité communs à l'enseignement sous toutes ses formes et à tous les niveaux
(3) .

9. Le Comité, pour interpréter correctement l'expression "enseignement primaire", se fonde sur la Déclaration mondiale sur l'éducation pour tous, où il est déclaré ce qui suit : "Le principal système de formation assurant l'éducation fondamentale des enfants en dehors de la famille est l'école primaire. L'enseignement primaire doit être universel, apporter une réponse aux besoins éducatifs fondamentaux de tous les enfants et tenir compte de la culture et des besoins de la communauté ainsi que des possibilités offertes par celle-ci" (art. 5). Les "besoins éducatifs fondamentaux" sont définis à l'article 1er de la Déclaration (4) . Enseignement primaire et éducation de base, sans être synonymes, sont étroitement liés entre eux. À cet égard, le Comité entérine la position de l'UNICEF selon laquelle l'enseignement primaire est la composante la plus importante de l'éducation de base (5) .

10. Tel qu'il est défini au paragraphe 2 a) de l'article 13, l'enseignement primaire revêt deux caractéristiques qui lui sont propres : il est "obligatoire" et "accessible gratuitement à tous". Pour les observations du Comité sur ces deux notions, voir les paragraphes 6 et 7 de l'observation générale 11 relative à l'article 14 du Pacte.


Article 13, paragraphe 2 b) : Enseignement secondaire


11. L'enseignement secondaire doit satisfaire aux critères des dotations, de l'accessibilité, de l'acceptabilité et de l'adaptabilité communs à l'enseignement sous toutes ses formes et à tous les niveaux
(6) .

12. S'il est vrai que l'enseignement secondaire, dans son contenu, variera d'un État partie à l'autre et dans le temps, il n'en reste pas moins qu'il est destiné à compléter l'éducation de base et à affermir la base d'une éducation permanente et de l'épanouissement de la personnalité. Il prépare les étudiants à l'enseignement professionnel et supérieur (7) . Le paragraphe 2 b) de l'article 13 s'applique à l'enseignement secondaire "sous ses différentes formes", ce qui signifie que l'enseignement secondaire requiert des programmes d'études souples et des systèmes de formation variés qui répondent aux besoins des étudiants dans des contextes sociaux et culturels différents. Le Comité encourage les programmes éducatifs mis en place parallèlement au réseau scolaire ordinaire existant dans le secondaire.


13. Aux termes du paragraphe 2 b) de l'article 13, l'enseignement secondaire "doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité". Le mot "généralisé" signifie premièrement que l'enseignement secondaire n'est pas subordonné à la capacité ou à l'aptitude apparentes de l'apprenant et deuxièmement qu'il sera dispensé sur l'ensemble du territoire de manière à pouvoir être accessible à tous de la même manière. Pour l'interprétation du mot "accessible" donnée par le Comité, voir le paragraphe 6 ci-dessus. L'expression "par tous les moyens appropriés" renforce l'idée que les États parties doivent adopter des démarches variées et novatrices pour assurer un enseignement secondaire dans des contextes sociaux et culturels différents.


14. L'expression "l'instauration progressive de la gratuité" signifie que les États doivent certes donner la priorité à la gratuité de l'enseignement primaire, mais qu'ils ont aussi l'obligation de prendre des mesures concrètes en vue d'assurer à terme la gratuité de l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur. Pour les observations générales du Comité sur la signification du mot "gratuité", voir le paragraphe 7 de l'observation générale 11 relative à l'article 14.


Enseignement technique et professionnel


15. L'enseignement technique et professionnel s'inscrit aussi bien dans le droit à l'éducation que dans le droit au travail (art. 6, par. 2). Le paragraphe 2 b) de l'article 13 se situe dans le cadre de l'enseignement secondaire, ce qui atteste son importance particulière à ce niveau. Toutefois, le paragraphe 2 de l'article 6 mentionne la formation technique et professionnelle en général, sans préciser le niveau auquel elle doit être dispensée, tout en lui reconnaissant un rôle plus large en ce qu'elle contribue "à assurer un développement économique, social et culturel constant et un plein emploi productif". De même, la Déclaration universelle des droits de l'homme stipule que "l'enseignement technique et professionnel doit être généralisé" (art. 26, par. 1). Le Comité en conclut que l'enseignement technique et professionnel fait partie intégrante de l'enseignement, à tous les niveaux
(8) .

16. L'initiation à la technologie et la préparation à l'entrée dans le monde du travail ne devraient pas être l'apanage de l'enseignement technique et professionnel : elles doivent être appréhendées comme un élément de l'enseignement général. La Convention de l'UNESCO sur l'enseignement technique et professionnel définit l'expression "enseignement technique et professionnel" comme désignant "toutes les formes et tous les degrés du processus d'éducation où interviennent, outre l'acquisition de connaissances générales, l'étude de techniques et de sciences connexes et l'acquisition de compétences pratiques, de savoir-faire, d'attitudes et d'éléments de compréhension en rapport avec les professions pouvant s'exercer dans les différents secteurs de la vie économique et sociale" (art. 1, al. a)). Cette position apparaît également dans certaines conventions de l'OIT (9) . Dans ce sens, le droit à l'enseignement technique et professionnel revêt les aspects suivants :


a) Il aide les étudiants à acquérir des connaissances et des compétences qui leur permettent de s'épanouir et de devenir autonomes et aptes à occuper un emploi, et contribue à la productivité de leur famille et de leur communauté, y compris le développement économique et social de l'État partie;


b) Il prend en considération le contexte éducatif, culturel et social de la population considérée; les compétences, connaissances et qualifications requises dans les différents secteurs de l'économie; et l'hygiène industrielle et le bien-être;


c) Il prévoit le recyclage des adultes dont les connaissances et compétences sont devenues obsolètes suite à l'évolution des techniques, de la situation économique ou du marché de l'emploi, ou aux transformations sociales ou autres;


d) Il comprend des programmes qui donnent aux étudiants, en particulier ceux des pays en développement, la possibilité de recevoir un enseignement technique et professionnel dans d'autres États, dans la perspective du transfert et de l'adaptation de technologies;


e) Compte tenu des dispositions du Pacte relatives à la non-discrimination et à l'égalité, il comprend des programmes d'enseignement technique et professionnel qui encouragent la formation technique et professionnelle des femmes, des filles, des jeunes non scolarisés, des jeunes sans emploi, des enfants de travailleurs migrants, des réfugiés, des personnes souffrant d'un handicap et des membres d'autres groupes défavorisés.


Article 13, paragraphe 2 c) : Droit à l'enseignement supérieur


17. L'enseignement supérieur doit satisfaire aux critères des dotations, de l'accessibilité, de l'acceptabilité et de l'adaptabilité communs à l'enseignement sous toutes ses formes et à tous les niveaux
(10) .

18. L'alinéa c) du paragraphe 2 de l'article 13 est libellé sur le modèle de l'alinéa b) de ce même paragraphe, à trois différences près. L'alinéa c) ne mentionne ni l'enseignement "sous ses différentes formes" ni expressément l'enseignement technique et professionnel. De l'avis du Comité, ces deux omissions ne tiennent qu'à une différence d'éclairage. Pour répondre aux besoins des étudiants dans des contextes sociaux et culturels différents, l'enseignement supérieur doit être dispensé dans le cadre de programmes souples et de systèmes variés, comme par exemple l'enseignement à distance. Dans la pratique donc, et l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur doivent être accessibles "sous différentes formes". Par ailleurs, si l'alinéa c) du paragraphe 2 de l'article 13 ne mentionne pas l'enseignement technique et professionnel, c'est que, compte tenu du paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte et du paragraphe 1 de l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'enseignement technique et professionnel fait partie intégrante de l'enseignement à tous les niveaux, dont l'enseignement supérieur (11) .

19. La troisième différence, la plus importante, entre les alinéas b) et c) du paragraphe 2 de l'article 13 tient au fait que le premier stipule que l'enseignement secondaire "doit être généralisé et rendu accessible à tous", et le second que l'enseignement supérieur "doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun". Selon l'alinéa c) du paragraphe 2 de l'article 13, l'enseignement supérieur n'a pas à être "généralisé : il doit uniquement être rendu accessible en fonction des capacités de chacun". Ces "capacités" devraient être appréciées eu égard à l'ensemble des connaissances et de l'expérience des intéressés.


20. Dans la mesure où le libellé des alinéas b) et c) du paragraphe 2 de l'article 13 est le même (il en est ainsi par exemple de l'expression "l'instauration progressive de la gratuité"), voir les observations qui précèdent à propos du paragraphe 2 b) de l'article 13.


Article 13, paragraphe 2 b) : Droit à l'éducation de base


21. L'éducation de base doit satisfaire aux critères des dotations, de l'accessibilité, de l'acceptabilité et de l'adaptabilité communs à l'enseignement sous toutes ses formes et à tous les niveaux
(12).

22. D'une façon générale, l'éducation de base visée correspond à l'éducation fondamentale exposée dans la Déclaration mondiale sur l'éducation pour tous (13). Selon le paragraphe 2 d) de l'article 13, "les personnes qui n'ont pas reçu d'instruction primaire ou qui ne l'ont pas reçue jusqu'à son terme" sont fondées à jouir du droit à l'éducation de base, ou éducation fondamentale telle que définie dans la Déclaration mondiale sur l'éducation pour tous.


23. Chacun ayant droit à ce qu'il soit répondu à ses "besoins éducatifs fondamentaux", au sens de la Déclaration mondiale, le droit à l'éducation de base n'est pas réservé à ceux "qui n'ont pas reçu d'instruction primaire ou qui ne l'ont pas reçue jusqu'à son terme". Il s'étend à tous ceux dont les "besoins éducatifs fondamentaux" n'ont pas été encore satisfaits.


24. Il est à souligner que la jouissance du droit à l'éducation de base n'est soumise à aucune condition d'âge ou de sexe : elle vaut pour les enfants, les adolescents et les adultes, y compris les personnes âgées. Dans ce sens, l'éducation de base fait partie intégrante de l'éducation des adultes et de l'éducation permanente. L'éducation de base étant un droit qui s'applique à tous les groupes d'âge, les programmes et les systèmes éducatifs correspondants doivent être conçus de manière à convenir aux apprenants de tous âges.


Article 13, paragraphe 2 e) : Existence d'un réseau scolaire; mise en place d'un système adéquat de
bourses; et amélioration des conditions matérielles du personnel enseignant


25. L'obligation de "poursuivre activement le développement d'un réseau scolaire à tous les échelons" signifie que les États parties sont tenus d'élaborer dans cette perspective une stratégie d'ensemble. Cette stratégie doit concerner les établissements d'enseignement à tous les niveaux, mais le Pacte exige des États parties qu'ils accordent la priorité à l'enseignement primaire (voir par. 51). L'expression "poursuivre activement" sous-entend que les pouvoirs publics doivent accorder à la stratégie d'ensemble un certain rang de priorité et qu'en tout état de cause ils doivent l'appliquer vigoureusement.


26. L'expression "établir un système adéquat de bourses" doit être rapprochée des dispositions du Pacte sur la non-discrimination et l'égalité : le système de bourses doit favoriser, dans des conditions d'égalité, l'accès à l'éducation des personnes appartenant aux groupes défavorisés.


27. Alors que le Pacte stipule qu'il faut "améliorer de façon continue les conditions matérielles du personnel enseignant", les conditions générales de travail des enseignants se sont, dans la pratique, détériorées ces dernières années dans de nombreux États parties au point de devenir inacceptables. Ce phénomène, outre qu'il est incompatible avec le paragraphe 2 e) de l'article 13, est un obstacle majeur à la pleine réalisation du droit des étudiants à l'éducation. Le Comité note par ailleurs la corrélation qui existe entre d'une part le paragraphe 2 e) de l'article 13 et de l'autre le paragraphe 2 de l'article 2, l'article 3 et les articles 6 à 8 du Pacte, en ce qui concerne notamment le droit des enseignants de s'organiser et de négocier des conventions collectives; il appelle l'attention des États parties sur la Recommandation conjointe UNESCO/OIT concernant la condition du personnel enseignant (1966) et la Recommandation de l'UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de l'enseignement supérieur (1997); et il demande instamment aux États parties de faire rapport sur les mesures prises pour garantir à l'ensemble du personnel enseignant des conditions et un statut à la hauteur de son rôle.


Article 13, paragraphes 3 et 4 : Droit à la liberté de l'éducation

28. Le paragraphe 3 de l'article 13 renferme deux éléments. Le premier concerne l'engagement des États parties de respecter la liberté des parents et des tuteurs de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions (14). Le Comité considère que cet élément du paragraphe 3 de l'article 13 permet l'enseignement dans les établissements publics de sujets tels que l'histoire générale des religions et la morale, à condition qu'il soit dispensé d'une manière impartiale et objective, respectueuse des libertés d'opinion, de conviction et d'expression. Il note que l'enseignement dans un établissement public d'une religion ou d'une conviction donnée est incompatible avec le paragraphe 3 de l'article 13, à moins que ne soient prévues des exemptions ou des possibilités de choix non discriminatoires correspondant aux voeux des parents et des tuteurs.


29. Le second élément du paragraphe 3 de l'article 13 concerne la liberté des parents et des tuteurs de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, à condition qu'ils soient "conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l'État en matière d'éducation". Cette disposition est complétée par le paragraphe 4 de l'article 13, qui énonce notamment "la liberté des individus et des personnes morales de créer et de diriger des établissements d'enseignement", sous réserve que ceux-ci soient conformes aux objectifs de l'éducation tels qu'énumérés au paragraphe 1 de l'article 13 et qu'ils répondent à certaines normes minimales. Ces normes minimales peuvent concerner l'admission, les programmes scolaires ou la reconnaissance des diplômes. Elles doivent être à leur tour conformes aux objectifs de l'éducation énoncés au paragraphe 1 de l'article 13.


30. En vertu du paragraphe 4 de l'article 13, toute personne, y compris les non-nationaux, est libre de créer et de diriger des établissements d'enseignement. Cette liberté s'étend aux "personnes morales". Elle englobe le droit de créer et de diriger tout type d'établissement d'enseignement, y compris des écoles maternelles, des universités et des centres d'éducation pour adultes. Elle est assujettie à l'obligation de conformité avec les objectifs de l'éducation visés au paragraphe 1 de l'article 13 et avec les normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l'État en matière d'éducation. Compte tenu des principes de non-discrimination, d'égalité des chances et de participation effective de tous à la vie de la société, l'État est tenu de veiller à ce que la liberté dont il est question au paragraphe 4 de l'article 13 ne se traduise pas par des disparités extrêmes des possibilités d'éducation pour certains groupes sociaux.


Article 13 : Notions spéciales d'application générale


Non-discrimination et égalité de traitement


31. L'interdiction de la discrimination, qui est consacrée au paragraphe 2 de l'article 2 du Pacte, n'est ni sujette à une mise en oeuvre progressive ni tributaire des ressources disponibles : elle s'applique sans réserve et directement à tous les aspects de l'enseignement et vaut pour tous les motifs sur lesquels le droit international interdit de fonder l'exercice d'une discrimination quelle qu'elle soit. Le Comité interprète le paragraphe 2 de l'article 2 et l'article 3 à la lumière de la Convention de l'UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement et des dispositions pertinentes de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, de la Convention relative aux droits de l'enfant et de la Convention de l'OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, de 1989 (Convention No 169), et il souhaite appeler l'attention sur les considérations qui suivent.


32. L'adoption à titre temporaire de mesures spéciales destinées à garantir aux hommes et aux femmes et aux groupes défavorisés l'égalité de fait ne constitue pas une violation du principe de non-discrimination pour ce qui est du droit à l'éducation, dès lors que ces mesures ne conduisent pas à l'application aux divers groupes de normes inégales ou distinctes et à condition qu'elles ne soient pas maintenues une fois atteints les objectifs auxquels elles répondaient.


33. Dans certaines circonstances, l'existence de systèmes ou d'établissements d'enseignement séparés destinés aux groupes entrant dans l'une des catégories énumérées au paragraphe 2 de l'article 2 sera réputée ne pas constituer une violation du Pacte. À cet égard, le Comité reprend à son compte l'article 2 de la Convention de l'UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement (1960)
(15) .

34. Le Comité prend note de l'article 2 de la Convention relative aux droits de l'enfant et de l'alinéa e) de l'article 3 de la Convention de l'UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement et confirme que le principe de non-discrimination s'étend à toutes les personnes d'âge scolaire qui résident sur le territoire d'un État partie, y compris les non-nationaux, indépendamment de leur statut juridique.


35. De grandes disparités en matière de dotations budgétaires qui se traduisent par la prestation de services de qualité différente selon le lieu de résidence des bénéficiaires peuvent constituer une discrimination au sens du Pacte.


36. Le Comité confirme le paragraphe 35 de son observation générale 5, qui traite du droit à l'éducation des personnes souffrant d'un handicap, de même que les paragraphes 36 à 42 de son observation générale 6, qui portent sur la situation des personnes âgées au regard des articles 13 à 15 du Pacte.


37. Les États parties doivent exercer un contrôle sur l'éducation - englobant l'ensemble des politiques éducatives, des établissements d'enseignement, des programmes, des dépenses et autres pratiques - de manière à détecter toute discrimination de fait et à y remédier. Les statistiques relatives à l'éducation devraient être ventilées par motif sur lequel il est interdit de fonder l'exercice d'une discrimination.


Libertés académiques et autonomie des établissements d'enseignement
(16)

38. Ayant examiné les rapports de nombreux États parties, le Comité est parvenu à la conclusion que le droit à l'éducation ne peut être exercé que s'il s'accompagne des libertés académiques tant pour le personnel enseignant que pour les étudiants. C'est pourquoi il juge bon et utile, même si cette question n'est pas explicitement visée à l'article 13, de formuler quelques observations à ce sujet. Les observations qui suivent concernent spécialement les établissements d'enseignement supérieur car, comme le Comité a pu le constater, le personnel enseignant de l'enseignement supérieur et les étudiants de l'enseignement supérieur sont particulièrement exposés aux pressions politiques et autres, ce qui sape les libertés académiques. Le Comité souhaite cependant souligner que le personnel enseignant et les élèves, à tous les niveaux de l'enseignement, sont fondés à jouir des libertés académiques, de sorte que nombre des observations ci-après sont d'application générale.


39. Les membres de la communauté universitaire sont libres, individuellement ou collectivement, d'acquérir, développer et transmettre savoir et idées à travers la recherche, l'enseignement, l'étude, les discussions, la documentation, la production, la création ou les publications. Les libertés académiques englobent la liberté pour l'individu d'exprimer librement ses opinions sur l'institution ou le système dans lequel il travaille, d'exercer ses fonctions sans être soumis à des mesures discriminatoires et sans crainte de répression de la part de l'État ou de tout autre acteur, de participer aux travaux d'organismes universitaires professionnels ou représentatifs et de jouir de tous les droits de l'homme reconnus sur le plan international applicables aux autres individus relevant de la même juridiction. La jouissance des libertés académiques a pour contrepartie des obligations, par exemple celles de respecter les libertés académiques d'autrui, de garantir un débat contradictoire équitable et de réserver le même traitement à tous sans discrimination fondée sur l'un ou l'autre des motifs prescrits.


40. L'exercice des libertés académiques nécessite l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur. Être autonome, c'est pour un établissement d'enseignement supérieur jouir du degré d'indépendance dont il a besoin pour prendre des décisions efficaces, qu'il s'agisse de ses travaux, de ses normes, de sa gestion ou de ses activités connexes. Il reste que cette autonomie doit être compatible avec les systèmes de contrôle public, en ce qui concerne en particulier les fonds octroyés par l'État. Vu les importants investissements publics réalisés dans l'enseignement supérieur, il importe d'établir un équilibre satisfaisant entre l'autonomie de l'établissement et l'obligation qu'il a de rendre des comptes. Dans ce domaine, il n'existe pas d'arrangement type unique : les arrangements institutionnels doivent néanmoins être raisonnables, justes et équitables et aussi transparents et ouverts à la participation que possible.


La discipline scolaire
(17)

41. De l'avis du Comité, les châtiments corporels sont incompatibles avec un des principes directeurs clefs du droit international relatif aux droits de l'homme, inscrit au préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme et des deux Pactes, à savoir la dignité humaine (18) . D'autres règles disciplinaires peuvent l'être aussi, par exemple l'humiliation en public. De même, aucune règle de discipline ne devrait bafouer d'autres droits protégés par le Pacte, comme le droit à une alimentation. Les États parties sont dans l'obligation de prendre des mesures pour veiller à ce qu'aucun établissement d'enseignement, public ou privé, relevant de leur juridiction n'applique de règles disciplinaires incompatibles avec le Pacte. Le Comité salue les initiatives que certains États parties ont prises pour inciter les établissements d'enseignement à appréhender le problème de la discipline scolaire sous un angle "positif", non violent.


Limitations apportées à l'article 13


42. Le Comité tient à souligner que la clause restrictive du Pacte, à savoir l'article 4, vise principalement à protéger les droits des individus, plus qu'il n'autorise l'État à imposer des restrictions. L'État partie qui prononce la fermeture d'une université ou d'un autre établissement d'enseignement pour des motifs tels que la sécurité nationale ou la préservation de l'ordre public est tenu de justifier une mesure aussi grave au regard de chacune des conditions énoncées à l'article 4.


II. OBLIGATIONS INCOMBANT AUX ÉTATS PARTIES
ET MANQUEMENTS À CES OBLIGATIONS


Obligations juridiques générales

43. S'il est vrai que le Pacte prévoit la réalisation progressive des droits qui y sont énoncés et prend en considération les contraintes dues à la limitation des ressources disponibles, il n'en impose pas moins aux États parties diverses obligations avec effet immédiat (19). Les États parties ont des obligations immédiates au regard du droit à l'éducation : par exemple celle de "garantir" qu'il sera exercé "sans discrimination aucune" (art. 2, par. 2) et celle d'"agir" (art. 2, par. 1) en vue d'assurer l'application pleine et entière de l'article 13 (20). Les mesures à prendre à cet effet doivent avoir un caractère "délibéré, concret et viser" au plein exercice du droit à l'éducation.

44. Le fait que la réalisation du droit à l'éducation s'inscrit dans le temps, c'est-à-dire qu'elle s'opère "progressivement", ne devrait pas être interprété comme privant les obligations de l'État partie de tout contenu effectif. Il signifie que les États parties ont pour obligation précise et constante "d'oeuvrer aussi rapidement et aussi efficacement que possible" pour appliquer intégralement l'article 13 (21) .

45. Tout laisse supposer que le Pacte n'autorise aucune mesure régressive s'agissant du droit à l'éducation, ni d'ailleurs des autres droits qui y sont énumérés. S'il prend une mesure délibérément régressive, l'État partie considéré doit apporter la preuve qu'il l'a fait après avoir mûrement pesé toutes les autres solutions possibles et qu'elle est pleinement justifiée eu égard à l'ensemble des droits visés dans le Pacte et à l'ensemble des ressources disponibles (22).

46. Le droit à l'éducation, à l'instar de tous les droits de l'homme, impose trois catégories ou niveaux d'obligations aux États parties : les obligations de le respecter, de le protéger et de le mettre en oeuvre. Cette dernière englobe du même coup deux obligations, celle d'en faciliter l'exercice et celle de l'assurer.

47. L'obligation de respecter le droit à l'éducation requiert des États parties qu'ils évitent de prendre des mesures susceptibles d'en entraver ou d'en empêcher l'exercice. L'obligation de le protéger requiert des États parties qu'ils prennent des mesures pour empêcher des tiers de s'immiscer dans son exercice. L'obligation de faciliter l'exercice du droit à l'éducation requiert des États qu'ils prennent des mesures concrètes permettant aux particuliers et aux communautés de jouir du droit à l'éducation et les aidant à le faire. Enfin, les États parties ont pour obligation d'assurer l'exercice du droit à l'éducation. D'une façon générale, ils sont tenus d'assurer l'exercice d'un droit donné énoncé dans le Pacte lorsqu'un particulier ou un groupe de particuliers sont incapables, pour des raisons échappant à leur contrôle, d'exercer ce droit avec les moyens dont ils disposent. Il reste que la portée de cette obligation est toujours subordonnée au libellé du Pacte.

48. À cet égard, deux aspects de l'article 13 méritent de retenir l'attention. Premièrement, cet article part à l'évidence du postulat que les États assument au premier chef la responsabilité de fournir directement des services éducatifs dans la plupart des cas : les États parties reconnaissent par exemple qu'"il faut poursuivre activement le développement d'un réseau scolaire à tous les échelons" (art. 13, par. 2 e)). Deuxièmement, vu que le libellé du paragraphe 2 de l'article 13 est différent selon qu'il s'agit de l'enseignement primaire, de l'enseignement secondaire, de l'enseignement supérieur ou de l'éducation de base, les paramètres définissant l'obligation des États parties d'assurer l'exercice du droit à l'éducation ne sont pas les mêmes pour tous les niveaux de l'enseignement. Il ressort ainsi du libellé du Pacte que les États parties ont pour obligation d'assurer l'exercice du droit à l'éducation, mais que l'ampleur de cette obligation n'est pas la même pour tous les niveaux ou tous les types d'enseignement. Le Comité constate que cette interprétation de l'obligation d'assurer l'exercice du droit à l'éducation dans le cadre de l'article 13 coïncide avec la législation et la pratique de nombreux États parties.

Obligations juridiques spécifiques

49. Les États parties sont tenus de veiller à ce que les programmes d'enseignement, à tous les niveaux du système éducatif, tendent vers les objectifs énumérés au paragraphe 1 de l'article 13 (23) . Les États parties sont dans l'obligation de mettre en place et de maintenir un système transparent et efficace pour s'assurer que l'éducation est en fait axée sur les objectifs énoncés au paragraphe 1 de l'article 13.

50. S'agissant du paragraphe 2 de l'article 13, les États ont l'obligation de respecter, de protéger et de mettre en oeuvre le droit à l'éducation pour ce qui est de chacune de ses "caractéristiques essentielles" (dotations, accessibilité, acceptabilité, adaptabilité). Par exemple, un État doit respecter la fourniture de services éducatifs en ne fermant pas les écoles privées; protéger l'accessibilité à l'éducation en veillant à ce que des tiers, y compris des parents et des employeurs, n'empêchent pas les filles de fréquenter l'école; faciliter l'acceptabilité de l'éducation en prenant des mesures concrètes pour faire en sorte que l'éducation convienne du point de vue culturel aux minorités et aux peuples autochtones et qu'elle soit de bonne qualité pour tous; assurer l'adaptabilité de l'éducation en élaborant et en finançant des programmes scolaires qui reflètent les besoins actuels des étudiants dans un monde en mutation; et assurer la fourniture de services éducatifs en s'employant à mettre en place un réseau d'écoles, notamment en construisant des salles de classe, en offrant des programmes, en fournissant des matériels didactiques, en formant des enseignants et en leur versant un traitement compétitif sur le plan intérieur.

51. Comme on l'a vu, les obligations des États parties dans le domaine de l'enseignement primaire, de l'enseignement secondaire, de l'enseignement supérieur et de l'éducation de base ne sont pas identiques. Il ressort du libellé du paragraphe 2 de l'article 13 que les États parties ont pour obligation d'accorder la priorité à l'enseignement primaire obligatoire et gratuit (24). Le fait que l'article 14 donne la priorité à l'enseignement primaire vient renforcer cette interprétation. L'obligation d'assurer un enseignement primaire à tous est une obligation immédiate pour tous les États parties.

52. En ce qui concerne les alinéas b) à d) du paragraphe 2 de l'article 13, les États parties ont pour obligation immédiate d'"agir" en vue d'assurer à toutes les personnes relevant de leur juridiction un enseignement secondaire et supérieur et une éducation de base. Au minimum, ils sont tenus d'adopter et de mettre en oeuvre une stratégie nationale d'éducation englobant l'enseignement secondaire et supérieur et l'éducation de base, conformément au Pacte. Cette stratégie devrait prévoir des mécanismes, par exemple des indicateurs et des critères, à partir desquels il serait possible de suivre de près les progrès en la matière.

53. En vertu de l'alinéa e) du paragraphe 2 de l'article 13, les États parties sont tenus de veiller à l'établissement d'un système adéquat de bourses au profit des groupes défavorisés (25) . L'obligation de poursuivre activement "le développement d'un réseau scolaire à tous les échelons" renforce l'idée que les États parties ont au premier chef la charge d'assurer directement l'exercice du droit à l'éducation dans la plupart des cas (26) .

54. Les États parties sont tenus d'établir des "normes minimales en matière d'éducation" auxquelles tous les établissements d'enseignement privés créés conformément aux paragraphes 3 et 4 de l'article 13 doivent se conformer. Ils doivent par ailleurs disposer d'un système transparent et efficace permettant de s'assurer du respect de ces normes. Les États parties n'ont nullement l'obligation de financer des établissements créés en vertu des paragraphes 3 et 4 de l'article 13, mais si un État choisit de verser une subvention à des établissements d'enseignement privés, il doit le faire sur une base non discriminatoire.

55. Les États parties doivent faire en sorte que les communautés et les familles ne soient pas tributaires du travail des enfants. Le Comité affirme tout particulièrement l'importance que l'éducation revêt dans l'élimination du travail des enfants, ainsi que les obligations énoncées au paragraphe 2 de l'article 7 de la Convention de 1999 sur les pires formes de travail des enfants (Convention No 182) (27) . En outre, compte tenu du paragraphe 2 de l'article 2, les États parties doivent s'efforcer de faire disparaître les stéréotypes sexistes et autres qui entravent l'accès à l'éducation des filles, des femmes et d'autres personnes appartenant à des groupes défavorisés.


56. Dans son observation générale 3, le Comité a appelé l'attention sur l'obligation que chacun des États parties a d'"agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique", pour mettre pleinement en oeuvre les droits reconnus dans le Pacte, dont le droit à l'éducation
(28) . Le paragraphe 1 de l'article 2 et l'article 23 du Pacte, l'Article 56 de la Charte des Nations Unies, l'article 10 de la Déclaration mondiale sur l'éducation pour tous et le paragraphe 34 de la première partie de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne renforcent tous l'obligation que les États parties ont d'apporter à l'échelle internationale leur aide et leur concours en vue de la pleine réalisation du droit à l'éducation. Dans le cadre de la négociation et de la ratification des accords internationaux, les États parties devraient prendre des mesures pour faire en sorte que ces instruments n'aient pas d'effet préjudiciable sur le droit à l'éducation. De même, ils sont tenus de veiller, en tant que membres d'organisations internationales, y compris les organisations internationales financières, à ce que leurs actes prennent dûment en considération le droit à l'éducation.

57. Dans son observation générale 3, le Comité a confirmé que les États parties ont "l'obligation fondamentale minimum d'assurer, au moins, la satisfaction de l'essentiel" de chacun des droits énoncés dans le Pacte, dont le droit à l'éducation. Dans le contexte de l'article 13, cette "obligation fondamentale minimum" englobe l'obligation d'assurer l'accès, sans discrimination, aux établissements d'enseignement et aux programmes éducatifs publics; de veiller à ce que l'éducation dispensée soit conforme aux objectifs exposés au paragraphe 1 de l'article 13; d'assurer un enseignement primaire à tous, conformément au paragraphe 2 a) de l'article 13; d'adopter et de mettre en oeuvre une stratégie nationale en matière d'éducation qui englobe l'enseignement secondaire et supérieur et l'éducation de base; et de garantir le libre choix de l'éducation, sans ingérence de l'État ou de tiers, sous réserve qu'elle soit conforme aux "normes minimales en matière d'éducation" (art. 13, par. 3 et 4).

Manquements aux obligations

58. Lorsque le contenu normatif de l'article 13 (section I) est appliqué aux obligations tant générales que spécifiques des États parties (section II), il en résulte un processus dynamique qui permet de mettre plus facilement en évidence les atteintes au droit à l'éducation. Le droit à l'éducation peut être violé du fait d'une action directe de l'État partie (action) ou du fait de la non-adoption de mesures requises par le Pacte (omission).


59. À titre indicatif, les manquements à l'article 13 peuvent comprendre : le fait d'adopter, ou de ne pas abroger, des dispositions législatives qui établissent en matière d'éducation une discrimination à l'encontre d'individus ou de groupes, fondée sur un quelconque des motifs sur lesquels il est précisément interdit de la fonder; le fait de ne pas adopter de mesures destinées à s'attaquer concrètement à la discrimination dans le domaine de l'enseignement; l'application de programmes scolaires qui ne cadrent pas avec les objectifs de l'éducation énoncés au paragraphe 1 de l'article 13; l'absence de système transparent et efficace permettant de s'assurer de la conformité de l'éducation avec le paragraphe 1 de l'article 13; le fait de ne pas assurer, à titre prioritaire, un enseignement primaire obligatoire et accessible à tous gratuitement; le fait de ne pas prendre des mesures ayant un caractère délibéré et concret et visant à la réalisation progressive du droit à l'enseignement secondaire et supérieur et à l'éducation de base conformément aux alinéas b) à d) du paragraphe 2 de l'article 13; l'interdiction d'établissements d'enseignement privés; le fait de ne pas s'assurer que les établissements d'enseignement privés se conforment aux "normes minimales en matière d'éducation" requises en vertu des paragraphes 3 et 4 de l'article 13; le déni des libertés académiques au personnel et aux étudiants; la fermeture d'établissements d'enseignement en période de tensions politiques, en violation de l'article 4.


III. OBLIGATIONS INCOMBANT AUX ACTEURS AUTRES
QUE LES ÉTATS PARTIES


60. Compte tenu de l'article 22 du Pacte, le rôle revenant aux organismes des Nations Unies, notamment au niveau des pays à travers le Plan-cadre des Nations Unies pour l'aide au développement, est d'une importance toute particulière en vue de la mise en oeuvre des dispositions de l'article 13. Il conviendrait de déployer des efforts coordonnés en faveur de l'exercice du droit à l'éducation, afin d'améliorer l'harmonisation et l'interaction des mesures prises par tous les acteurs concernés, dont les diverses composantes de la société civile. L'UNESCO, le Programme des Nations Unies pour le développement, l'UNICEF, le BIT, la Banque mondiale, les banques régionales de développement, le Fonds monétaire international et les autres organismes des Nations Unis compétents devraient intensifier leur coopération aux fins de la mise en oeuvre du droit à l'éducation au niveau national, compte dûment tenu de leurs mandats spécifiques et en fonction de leurs compétences respectives. Les institutions financières internationales, notamment la Banque mondiale et le FMI, devraient en particulier faire une place plus grande à la protection du droit à l'éducation dans leur politique de prêt, leurs accords de crédit et leurs programmes d'ajustement structurel de même que dans le cadre des mesures prises pour faire front à la crise de la dette (29). En examinant les rapports des États parties, le Comité examinera les effets de l'aide apportée par les acteurs autres que les États parties sur l'aptitude des États à s'acquitter de leurs obligations au titre de l'article 13. L'adoption par les institutions spécialisées, les programmes et les organes des Nations Unies d'une démarche fondée sur les droits de l'homme facilitera grandement la mise en oeuvre du droit à l'éducation.




Notes



*/ Figurant dans le document E/C.12/1999/10.

1/ La Déclaration mondiale sur l'éducation pour tous a été adoptée par 155 délégations gouvernementales; la Déclaration et le Programme d'action de Vienne ont été adoptés par 171 délégations gouvernementales; 191 États ont ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant ou y ont adhéré; le Plan d'action en vue de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme a été adopté par consensus en tant que résolution de l'Assemblée générale (49/184).

2/ Cette démarche coïncide avec le cadre analytique adopté par le Comité en ce qui concerne les droits à un logement convenable et à une nourriture suffisante, ainsi qu'avec les travaux de la Rapporteuse spéciale de l'ONU sur le droit à l'éducation Dans son observation générale 4, le Comité a énuméré un certain nombre de facteurs qui influent sur le droit à un logement convenable, dont "l'existence de services, matériaux, équipements et infrastructures", "la capacité de paiement", "la facilité d'accès" et "le respect du milieu culturel". Dans son observation générale 12, le Comité a défini les éléments constitutifs du droit à une nourriture suffisante, comme par exemple "la disponibilité" de nourriture, "l'acceptabilité" et "l'accessibilité ou possibilité d'obtenir cette nourriture". Dans son rapport préliminaire à la Commission des droits de l'homme, la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation a défini "quatre traits essentiels qui devraient être ceux de l'école primaire, à savoir : dotations suffisantes, accessibilité, acceptabilité et adaptabilité" (E/CN.4/1999/49, par.50).

3/ Voir par. 6.

4/ La Déclaration définit les "besoins éducatifs fondamentaux" comme suit : "Ces besoins concernent aussi bien les outils d'apprentissage essentiels (lecture, écriture, expression orale, calcul, résolution de problèmes) que les contenus éducatifs fondamentaux (connaissances, aptitudes, valeurs, attitudes) dont l'être humain a besoin pour survivre, pour développer toutes ses facultés, pour vivre et travailler dans la dignité, pour participer pleinement au développement, pour améliorer la qualité de son existence, pour prendre des décisions éclairées et pour continuer à apprendre" (art. 1).

5/ Advocacy Kit, Basic Education 1999 (UNICEF), sect. 1, p. 1.

6/ Voir par. 6.

7/ Voir Classification internationale type de l'éducation, 1997, UNESCO, par. 52.

8/ Position qui ressort également de la Convention de 1975 sur la mise en valeur des ressources humaines (Convention No 142) et de la Convention de 1962 sur la politique sociale (objectifs et normes de base) (Convention No 117) de l'Organisation internationale du Travail.

9/ Voir note 8.

10/ Voir par. 6.

11/ Voir par. 15.

12/ Voir par. 6

13/ Voir par. 9.

14/ Cette clause reprend celle du paragraphe 4 de l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et a un lien avec la liberté d'enseigner une religion ou une conviction proclamée au paragraphe 1 dudit article. (Voir l'observation générale 22 du Comité des droits de l'homme, qui concerne l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, quarante-huitième session, 1993.) Le Comité note que le caractère fondamental de l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques est attesté par le fait qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 4 du Pacte, il ne peut y être dérogé même en cas de danger public exceptionnel.

15/ L'article 2 est libellé comme suit :

"Lorsqu'elles sont admises par l'État, les situations suivantes ne sont pas considérées comme constituant des discriminations au sens de l'article premier de la présente Convention :

a) La création ou le maintien de systèmes ou d'établissements d'enseignement séparés pour les élèves des deux sexes, lorsque ces systèmes ou établissements présentent des facilités d'accès à l'enseignement équivalentes, disposent d'un personnel enseignant possédant des qualifications de même ordre, ainsi que de locaux scolaires et d'un équipement de même qualité, et permettent de suivre les mêmes programmes d'études ou des programmes d'études équivalents;

b) La création ou le maintien, pour des motifs d'ordre religieux ou linguistiques, de systèmes ou d'établissements séparés dispensant un enseignement qui correspond au choix des parents ou tuteurs légaux des élèves, si l'adhésion à ces systèmes ou la fréquentation de ces établissements demeure facultative et si l'enseignement dispensé est conforme aux normes qui peuvent avoir été prescrites ou approuvées par les autorités compétentes, en particulier pour l'enseignement du même degré;

c) La création ou le maintien d'établissements d'enseignement privés, si ces établissements ont pour objet non d'assurer l'exclusion d'un groupe quelconque, mais d'ajouter aux possibilités d'enseignement qu'offrent les pouvoirs publics, si leur fonctionnement répond à cet objet et si l'enseignement dispensé est conforme aux normes qui peuvent avoir été prescrites ou approuvées par les autorités compétentes, en particulier pour l'enseignement du même degré."

16/ Voir la Recommandation de l'UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de l'enseignement supérieur (1997).

17/ En formulant ce paragraphe, le Comité a pris note de la jurisprudence qui se développe dans d'autres instances relevant du système international de protection des droits de l'homme, comme par exemple l'interprétation que le Comité des droits de l'enfant a donnée du paragraphe 2 de l'article 28 de la Convention relative aux droits de l'enfant et l'interprétation de l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques donnée par le Comité des droits de l'homme.

18/ Le Comité note qu'il n'est pas évoqué au paragraphe 2 de l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, mais les rédacteurs du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ont expressément cité l'épanouissement de la dignité de la personnalité humaine au nombre des objectifs vers lesquels l'éducation doit obligatoirement tendre (art. 13, par. 1).

19/ Voir le paragraphe 1 de l'observation générale 3 du Comité.

20/ Voir le paragraphe 2 de l'observation générale 3 du Comité.

21/ Voir le paragraphe 9 de l'observation générale 3 du Comité.

22/ Voir le paragraphe 9 de l'observation générale 3 du Comité.

23/ Il existe de nombreux ouvrages de référence auxquels les États parties peuvent se reporter, comme par exemple les Guidelines for Curriculum and Textbook Development in International Education (ED/ECS/HCI) de l'UNESCO. Un des objectifs du paragraphe 1 de l'article 13 consiste à "renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales". Dans ce contexte, les États parties devraient se reporter aux initiatives élaborées dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme. Le Plan d'action en vue de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme, adopté par l'Assemblée générale en 1996, et les Directives pour l'établissement des plans nationaux d'éducation en matière de droits de l'homme mises au point par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme pour aider les États dans l'action à mener dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme sont à cet égard particulièrement instructifs.

24/ À propos de la signification des mots "obligatoire" et "gratuité", voir les paragraphes 6 et 7 de l'observation générale 11 relative à l'article 14.

25/ Dans certains cas, la mise en place d'un tel système pourrait être un objectif tout à fait indiqué de l'assistance et de la coopération internationales envisagées au paragraphe 1 de l'article 2.

26/ Comme l'UNICEF l'a fait observer dans le contexte de l'éducation de base, "seul l'État peut rassembler toutes les composantes dans un système éducatif cohérent mais néanmoins flexible". La situation des enfants dans le monde 1999, "La révolution de l'éducation", p. 69.

27/ Aux termes du paragraphe 2 de l'article 7, "[t] tout Membre doit, en tenant compte de l'importance de l'éducation en vue de l'élimination du travail des enfants, prendre des mesures efficaces dans un délai déterminé pour : [...] c) assurer l'accès à l'éducation de base gratuite et, lorsque cela est possible et approprié, à la formation professionnelle pour tous les enfants qui auront été soustraits aux pires formes de travail des enfants" (Convention No 182 de l'OIT sur les pires formes de travail des enfants, 1999).

28/ Voir l'observation générale 3 du Comité, par. 13 et 14.

29. Voir l'observation générale 2 du Comité, par. 9.



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